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Attac Québec

Chronique de Attac-Québec

par Claude Vaillancourt

Les nouveaux autocrates

Publié le 21 avril 2017


On ne peut que déplorer le triste état de la démocratie. Elle était déjà diminuée depuis plusieurs années par le pouvoir des grandes entreprises et leur armée de lobbyistes qui dictent aux gouvernements les politiques à adopter. Et voilà qu’apparaissent maintenant des chefs d’État autoritaires, campés à l’extrême-droite, et qui gouvernent en appliquant fièrement des idées que l’on croyait disparues du spectre politique.

La liste est longue et inquiétante : on les retrouve à la tête des plus grandes puissances, comme Donald Trump aux États-Unis, Vladimir Poutine en Russie, Narendra Modi en Inde. Et dans d’autres pays importants, comme Viktor Orbán en Hongrie, Rodrigo Duterte en Indonésie, Tayyip Erdogan en Turquie. Avec d’autres victoires possibles, comme celle de Marine Le Pen en France. Sans oublier ces autres pays où l’extrême-droite est en nette progression.

Ces chefs politiques gouvernent bien sûr de façons différentes les uns des autres, dans des contextes très dissemblables. Mais ils partagent quelques caractéristiques : conservatisme radical, stigmatisation des étrangers, des femmes, des LGBTQ, comportements autoritaires. Malgré leur radicalisme, ils ont été élus démocratiquement — bien que les marges de la démocratie soient très variables d’un pays à l’autre — et s’appuient sur un soutien solide d’une frange importante de la population.

Bien peu de personnes auraient pu anticiper un pareil virage, une telle soumission consentie. Après la chute des dictatures, au lendemain de l’effondrement du communisme, et en suivant le cours d’une évolution qui doit tenir compte du bien du plus grand nombre, ne cheminions-nous pas, de façon chaotique et désordonnée, vers un avenir meilleur ?

On n’en finira plus de chercher des explications à ces difficiles changements, et aucune ne semblera satisfaisante. Mais sûrement faut-il jeter un regard du côté de la crise de 2007-2008, et considérer le système économique qui l’a provoquée. Les maux qui en sont découlés ne sont toujours par réglés : mesures d’austérité privant les populations d’un bon filet social, appauvrissement, croissance des inégalités.

Et surtout, une très grande insécurité concernant le travail. Les conditions de chacun deviennent plus difficiles par la précarisation, par la concurrence féroce que doivent se livrer les travailleurs et les travailleuses de tous les pays et par les avantages inacceptables et sans le moindre compromis que l’on accorde aux actionnaires aux dépens de tout le reste de la population.

S’attaquer à la racine de ces problèmes, démanteler un système économique au service des plus puissants semble un objectif inatteignable, trop compliqué. Il est plus facile de chercher d’autres cibles, le voisin étranger, les autres minorités, d’envisager un repli à l’intérieur de ses frontières, commencer à se sauver soi-même contre le reste du monde menaçant et envahissant. On cherche alors pour diriger le pays un père Fouettard qui rétablira l’ordre.

Devant les inquiétudes des populations et un désaveu de plus en plus évident, le milieu de la finance a choisi une vieille stratégie. Rappelons qu’en Allemagne, pendant les années 1930, la grande bourgeoisie allemande a préféré pencher du côté du nazisme, dans l’espoir de se débarrasser des communistes d’abord, la principale menace selon elle, puis de mater le monstre au pouvoir. Klauss Mann le raconte très bien dans son roman Le volcan.

Bien que la situation soit très différente aujourd’hui, on peut tout de même constater que la classe financière refuse tout projet de réforme significatif et en profondeur. Son obstination à poursuivre une mondialisation tellement inégalitaire l’a forcée à donner un appui tacite à l’extrême-droite, moins dérangeante dans les faits que ceux qui veulent s’attaquer à la source des problèmes.

Malgré quelques velléités protectionnistes, les nouveaux autocrates dérèglementent, néolibéralisent, soutiennent les dépenses militaires, exploitent sans frein les ressources naturelles, avec la bénédiction des puissants de ce monde, qui les blâment davantage pour leurs manières de faire et leur manque de civisme plutôt que pour leurs choix économiques.

D’un pays à l’autre, le passage de ces autocrates laissera des marques très différentes. Les pays à forte tradition démocratique, comme les États-Unis, tiendront probablement le coup, et le passage de Trump n’aura été qu’un dur moment à passer. Du moins, faut-il l’espérer. D’autres pays resteront dévastés et prendront des années à se remettre de dangereuses centralisations du pouvoir.

Vu du Québec, tout cela nous semblait loin… jusqu’à l’élection de Trump. Nous avons tout de même résisté à dix années d’un gouvernement conservateur qui a fait les pires entraves à la démocratie de notre histoire moderne. Des discours haineux et exclusifs sont trop souvent entendus dans notre pays, même s’ils ne trouvent pas de résonnance dans les partis politiques.

Souhaitons tout de même que nos élus comprennent le message : le meilleur moyen d’échapper au populisme d’extrême-droite, c’est aussi de se libérer de la tutelle des élites financières et d’être à l’écoute de solutions économiques qui viennent d’autres sources et offrent d’autres modèles.

P.S. Ces réflexions m’ont été inspirées par le dernier numéro de la revue française en ligne Les Possibles sur la droitisation des politiques, auquel j’ai eu l’honneur de participer.


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