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La maison en ordre

Publié le 22 janvier 2019


Hier soir, à l’émission Tout le monde en parle, quatre femmes députées des quatre partis à l’Assemblée nationale parlaient de leur démarche pour rapprocher les victimes de violence sexuelle et le système de justice. À un moment, il a été question des ressources à y consacrer, pour entre autres soutenir des organismes communautaires comme les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS).

C’est alors que la libérale Hélène David a poussé avec un petit sourire entendu : “Il y a un budget qui s’en vient, je pense que tout le monde sait qu’il y a pas mal d’argent dans les coffres…” J’ai bondi : encore une autre qui vient vanter la gestion austéritaire de son gouvernement !

Je ne suis plus capable d’entendre ou de lire des commentaires d’éditorialistes, de journalistes, de chroniqueur·e·s ou de politicien·ne·s à propos de la “maison en ordre” qu’aurait laissée le gouvernement précédent au nouveau gouvernement le 1er octobre, grâce à sa gestion responsable des deniers publics.

Les surplus budgétaires actuels sont le résultat de plusieurs années consécutives de gestion austéritaire des dépenses sociales, principalement en Santé et en Éducation. Et avec quels résultats !

La “maison en ordre” des libéraux, en Santé et Services sociaux (SSS), ça a voulu dire de juteuses augmentations de revenus pour les médecins omnipraticien·ne·s et spécialistes, mais des revenus comprimés et une augmentation des tâches à accomplir pour les autres personnels.

La “maison en ordre”, ça signifie qu’on se retrouve actuellement en manque de personnel dans plusieurs métiers de soins et services directs, comme les infirmières, dont la pénurie est compensée par du temps supplémentaire obligatoire, et des préposé·e·s dont les postes vacants sont évalués à près de 1 000.

La “maison en ordre”, dans les services sociaux, c’est aussi la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) comme l’a rapporté La Presse +. Ici, en plus du manque de ressources, on doit pointer du doigt le type de gestion : le lean-Toyotisme, cette gestion par statistiques qui privilégie la quantité sur papier au détriment de la qualité sur le terrain. Ce mode de gestion industrielle privée ne convient pas à un système public de SSS. Il ne rend service ni à la population qui a besoin d’aide ni aux intervenant·e·s qui ne peuvent aider convenablement dans cette organisation du travail.

La “maison en ordre”, c’est aussi, dans les CHSLD, la répétition de dénonciations des mauvaises conditions d’hébergement sans que rien ne soit fait pour que ça cesse. Les personnes concernées n’ont pas les moyens de se plaindre, et les propriétaires privés peuvent ainsi tranquillement continuer d’engranger leurs profits !

Cette “maison en ordre”, c’est toute la population qui en a souffert et en souffre toujours : d’abord, les personnes hébergées qui ont besoin de soins et services directs et qui ne les ont pas (rappelons-le : soigner, c’est prendre le temps, mais tout le monde cours !). Puis les personnes non hébergées qui n’obtiennent pas suffisamment les soins et services à domicile dont elles ont besoin, et les proches aidant·e·s qui doivent assumer à leurs dépens ce manque de soins et services. Et enfin toute la population qui est en attente de soins et services parce qu’elle n’y a pas accès, qu’elle soit sur listes d’attente ou non encore inscrites.

Bref, la “maison en ordre”, suivant la réforme qu’a mise en place l’ancien ministre Barrette et son gouvernement, n’est pas une amélioration des soins et services, mais une gestion privée du réseau public : on ne répond plus aux besoins, on fait une offre restreinte de services, et la population doit s’en accommoder ou chercher ailleurs les compléments qui lui manquent. On force la population à se tourner vers le privé ! Déjà en 2016, un article rendait compte de cette orientation conduisant à plus de privatisation, et ça ne s’est pas démenti depuis.

Il est plus que temps de renverser cet ordre des choses. La population est en droit de s’attendre à un réseau public de SSS qui réponde mieux que cela à ses besoins.

La ministre responsable des Aîné·e·s semble commencer à s’impatienter à propos de ce qui se passe dans les CHSLD, allant jusqu’à annoncer une augmentation des inspections pour que les services soient rendus correctement. Mais elle doit dépasser la simple notion d’inspection : les normes doivent être revues pour qu’elles répondent aux besoins qui ont évolué à mesure qu’on a élevé les conditions d’admissibilité en CHSLD, alourdissant les cas accueillis et augmentant du même coup les soins et services à apporter par un personnel qui n’est pas toujours formé ou en nombre suffisant pour affronter cet alourdissement.

Au regard des services sociaux, on aimerait voir le ministre responsable, Lionel Carmant, affirmer leur importance pour démédicaliser beaucoup de situations vécues par les citoyen·ne·s jeunes et moins jeunes, et par les familles.

On peut même se demander s’il va enfin donner les moyens aux services sociaux publics d’assumer leur rôle d’accompagnateurs et leur travail de prévention, et s’il va répondre positivement aux revendications du communautaire concernant ses besoins de financement.

Quant à la ministre en chef, madame McCann, pour le moment, elle n’a rien cassé : bien qu’elle ait annoncé il y a quelques semaines que son gouvernement allait soutenir financièrement la demande de services à domicile (SAD), il semble que sur le terrain, on ne voit pas de changements autres qu’une compilation des besoins.

Et l’annonce de solutions informatiques au débordement des urgences semble montrer que son ministère persévère dans l’ignorance crasse des véritables causes du problème.

Bref, on cherche encore où et comment s’appliquent les mots “proximité, humanité et ouverture” qu’avait utilisés le premier ministre Legault en définissant son gouvernement.

Ces trois mots ne peuvent s’incarner uniquement dans le prochain budget provincial.

Sans un changement radical d’orientation politique, sans une démocratisation du réseau, sans le respect, la reconnaissance et l’écoute du personnel et des milieux, et sans des lieux de décisions proches des lieux de prestations, on ne fera que des mathématiques, de la gestion de chiffres et des statistiques sur papier.

Et on maintiendra la maison en ordre néolibéral.

Jacques Benoit


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