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Le salaire minimum à 15 $, une question de dignité

Publié le 20 novembre 2017


Les grandes associations patronales prétendent que des emplois seront perdus si on l’augmente trop rapidement. Certains de leurs membres se positionnent favorablement face à sa possible augmentation. Les groupes sociaux et les syndicats réclament son augmentation. L’Ontario et d’autres provinces du Canada se sont déjà engagées à lui faire atteindre 15 $ l’heure. Le salaire minimum est objet de débats et de crainte.

Il est important de se rappeler que la première loi sur le salaire minimum a été adoptée en 1919 et n’a été appliquée qu’en 1925, six ans après son adoption. Pendant la Première Guerre mondiale, les femmes ont dû remplacer les hommes (partis à la guerre) dans les manufactures. Elles étaient moins payées que les hommes, puisqu’à l’époque l’on considérait que le travail des femmes valait moins que le travail des hommes. À la fin de la guerre, la sous-rémunération des femmes comparativement aux hommes avait fait diminuer les conditions salariales dans certaines industries, comme le textile et les hommes peinaient à se trouver un emploi. Malgré la Loi sur le salaire minimum des femmes, ces dernières obtenaient encore un salaire inférieur à celui des hommes, car l’on considérait que c’était en attendant qu’elles se marient ou comme revenu supplémentaire à celui du mari ou de la famille. Malheureusement, les femmes sont encore trop souvent moins rémunérées que les hommes et majoritaires à occuper les emplois au salaire minimum.

À la fin des années 1970 début années 1980, travailler au salaire minimum permettait de gagner un revenu supérieur au seuil de faible revenu de près de 20 %. Actuellement, pour le même nombre d’heures travaillées, ces salariés se trouvent à gagner un revenu inférieur au seuil de faible revenu d’environ 11 %. Un écart important et injustifié qui nuit aux travailleuses et aux travailleurs, mais qui est aussi néfaste sur l’économie québécoise.

En conséquence, les groupes de défense collective des droits des travailleurs non syndiqués et les syndicats se sont mis à réclamer un salaire minimum qui permette à un salarié à temps plein d’atteindre ou dépasser le seuil de faible revenu en travaillant 40 heures par semaine. Seuil encore inaccessible sans travailler plus de 60 heures par semaine, en raison des trop faibles augmentations consenties à ces salariés au fil des ans. Les augmentations annuelles ne permettaient même pas de maintenir le pouvoir d’achat de ces salariés en raison de l’augmentation du coût de la vie et des nombreuses tarifications des services publics par la mise en place, par exemple, de la taxe santé.

Les statistiques ont démontré qu’une importante proportion des travailleurs au salaire minimum travaillait seulement une trentaine d’heures par semaine, les éloignant davantage d’un revenu de travail décent. Devant ce triste constat, les organisations militantes ont réfléchi aux alternatives possibles pour sortir ces travailleurs de la pauvreté. Conclusion : le salaire minimum doit être rapidement augmenté à 15 $ l’heure.

Entre 2007 et 2010, le salaire minimum a augmenté de 1,75 $ au Québec. Pendant cette période, l’Institut de la Statistique du Québec a enregistré que le nombre d’emplois au salaire minimum et ceux légèrement supérieurs à ce dernier a augmenté et les commerces de détail ont enregistrés des records au niveau des ventes. Cela nous permet de croire que les bas salariés, voyant leur revenu de travail augmenter, ont dépensé davantage dans les commerces locaux et régionaux, augmentant à la fois les revenus de ces commerces et les besoins de main d’oeuvre. Il est certain que si un seul dépanneur du quartier offre 15 $ l’heure à ses employés, il se trouvera rapidement dans une position économique difficile, mais si tous les dépanneurs doivent payer ce salaire, l’effet négatif sera annulé par une concurrence salariale encadrée.

Il est prouvé que les entreprises offrant de bonnes conditions de travail, incluant un salaire permettant un niveau de vie décent, ont un roulement de personnel beaucoup moins important que les entreprises offrant de très bas salaires et de mauvaises conditions, peu importe le secteur d’activité économique. Les employés occupent les emplois de mauvaise qualité en attendant d’en trouver un offrant de meilleures perspectives et conditions de travail. Pour l’employeur, former du personnel coûte cher, et la rétention de la main-d’oeuvre est un enjeu important pour la réussite et la prospérité économique de nos petites et moyennes entreprises. Le salaire minimum à 15 $ permettrait donc aux entreprises de s’assurer une main-d’oeuvre plus motivée et productive au bénéfice de tous, ainsi qu’une meilleure répartition de la richesse créée par ces employés.

Les commerçants essaient de nous faire peur en nous menaçant d’importantes hausses du prix des produits si le salaire minimum augmente. Pourtant, l’augmentation réelle nécessaire pour maintenir leur marge de profit est d’environ 3 %, soit 0,03 $ par dollars ! Quant à la restauration, il s’agirait de 5 %, un plat à 10,00 $ coûterait dorénavant 10,50 $. Est-ce suffisant pour annuler les effets bénéfiques sur les travailleurs et appauvrir la population ? Non. Ces emplois ont-ils une valeur et une importance sociale ? Oui. Prenez quelques minutes et imaginez une journée de grève de tous les salariés gagnant moins de 15 $ l’heure au Québec. Quelles en seraient les conséquences ? Plusieurs lieux seraient fermés : des organismes communautaires, les dépanneurs, les supermarchés, boutiques et centres d’achats, les stations d’essence, certains bureaux de professionnels n’auraient pas de secrétaire-réceptionniste, une partie de la population et des activités pour plusieurs d’entre nous seraient suspendues jusqu’à leur retour au travail… Ces emplois sont indispensables au maintien des autres secteurs de l’économie et du travail.

Le salaire minimum réglera-t-il à lui seul tous les problèmes de pauvreté des travailleurs ? Sûrement pas… Pour y arriver, le gouvernement devra entreprendre une réforme en profondeur de la Loi sur les normes du travail et offrir une plus grande protection aux salariés québécois, que ce soit en diminuant la durée du service continu protégeant contre le congédiement sans cause juste, en établissant des congés de maladie payés et des mesures de supplémentation du revenu pour les travailleurs proches aidants, par exemple. Mais à lui seul, le salaire minimum permettrait d’adoucir le quotidien de plusieurs dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs essentiels au développement et au maintien de nos économies locales et régionales, tout en diminuant la pression sur nos programmes sociaux en réduisant le nombre de personnes devant y faire appel en raison d’un revenu insuffisant et en augmentant les revenus fiscaux.

Actuellement, le gouvernement du Québec cherche des moyens d’inciter les demandeurs d’aide sociale à se chercher un emploi et intégrer ou réintégrer rapidement le marché du travail en proposant (veuillez lire imposant) des mesures coercitives telles que des coupures importantes sur une aide financière déjà insuffisante pour vivre décemment. Un des obstacles au retour au travail est en effet financier, avec moins de 700 $ par mois pour subvenir à vos besoins, auriez-vous les moyens de vous payer ce qu’il faut pour vous présenter à une entrevue ou pour vous déplacer quotidiennement, ou encore mettre à jour votre formation professionnelle ? Actuellement, travailler au salaire minimum 30 heures par semaine, vous permettra de dégager un salaire net d’environ 298 $ par semaine, soit environ 1 280 $ par mois. Vous n’y gagnerez pas grand-chose une fois vos dépenses d’emploi (frais de transport, vêtements, équipements…) déduites de votre revenu. Augmenter le salaire minimum aurait sûrement un effet beaucoup plus persuasif que d’appauvrir davantage une partie de la population.

De plus, certains types d’emploi, par exemple, dans des exploitations maraîchères ou dans le domaine agricole, trouvent difficilement de la main-d’oeuvre québécoise en raison des conditions de travail exigeantes, saisonnières et peu rémunérées. Un salaire minimum plus élevé pourrait susciter un peu plus d’intérêt en permettant aux travailleurs agricoles de gagner leur vie plus décemment et en ayant droit à des prestations d’assurance-emploi supérieures à l’aide sociale pendant les périodes de chômage.

Cessons de nous faire étourdir par les affirmations patronales ne cherchant qu’à leur permettre de continuer à s’enrichir en maintenant leurs employés dans la pauvreté et en les exploitant financièrement avec la complicité des élus.

Faut-il faire passer le salaire minimum immédiatement de 11,25 $ à 15,00 $ l’heure ? Sincèrement, non. Mais il faut le faire rapidement en annonçant des augmentations successives de 0,75 $ aux six mois par exemple. Une hausse de 3,75 $ d’un seul coup serait difficile à assumer pour certains commerces, des producteurs maraîchers et pour des entreprises en démarrage et rendrait difficile la planification budgétaire à court et moyen terme. Un calendrier de “réalisation” permettrait à ces employeurs d’amortir la dépense salariale sur une plus longue période et ainsi poursuivre leurs activités et créer des emplois. Dès l’atteinte du 15 $, il faudra annuellement indexer le salaire minimum en fonction de l’indice des prix à la consommation, afin de maintenir le pouvoir d’achat des personnes travaillant au salaire minimum.

Un salaire minimum à 15 $, c’est une question de dignité !

“Écrit pour le bénéfice du journal Par la bande, du CFCM, qui nous a gracieusement permis de le publier dans notre journal. Pour consulter tous les articles cliquez ici.

Marie-Josée Magny

Marie-Josée a assumé la direction générale du Carrefour d’aide aux non-syndiqué-es de janvier 2006 à mars 2017. Elle y a aussi occupé le poste d’animatrice communautaire de 1997 à 2003. Elle a été porte-parole régionale du Front de défense des non-syndiqué-es pour la Mauricie et le Centre du Québec, de 2007 à 2017. En juin 2016, elle a été nommée par la ministre du Travail, Dominique Vien, représentante des non-syndiqués au Comité consultatif sur les normes du travail de la CNESST, rôle qu’elle a assumé jusqu’à sa démission en avril 2017 pour se consacrer à son entreprise.


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