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Opinions des lecteurs

Depuis l’austérité

Publié le 23 juin 2015


Déjà c’était pas facile. La vie, le contexte socio-économique, appelons ça comme on le veut. L’éducation ne garantissait déjà plus un travail, le marché était en baisse. On se voyait déjà mal s’acheter une maison avec toutes les dettes qu’on avait. Les dettes qu’on a accumulées en se disant qu’on faisait des “investissements”. Un baccalauréat c’est censé être un bon investissement. En tout cas c’est toujours ce que m’ont dit mes parents. Ils ont chacun un bacc., et s’en sont bien sortis, tout compte fait.

Ils ont pu s’acheter une maison, me mettre au monde et payer de quoi me nourrir. De quoi m’instruire, de quoi m’aimer. Depuis l’austérité, j’ai de la misère à m’imaginer faire la même chose. J’ai de la misère, en général. Je nous trouve miséreux, pis je me sens misérable pour nous. Pas que je sois pessimiste ou sombre comme personne. J’aime bien la vie, en général. Mais depuis un bout, la partie de moi qui voit le sol se fendre est devenue incapable de le nier en écoutant Netflix.

Je ne suis pas dans la pire des situations, loin de là. Je ne suis pas à quêter. Je ne suis pas à faire semblant que je peux lire, ou à la banque alimentaire. Pas encore. Je ne prends pas des Effexor. Je ne prends pas des Ativans, ou du Praxil. Mais je commence à sentir monter en moi une fièvre incurable. Pour tous ceux qui sont vulnérables et qui se font enlever leurs béquilles, leurs renouvellements de pilules, leurs intervenants, leurs infirmières à domicile, leurs psychologues, leurs orthophonistes, leur médecin. Et quand je pense aux enfants de ce monde-là, je sens en moi une colère qui n’a pas de remède et qui ne passera pas.

Je commence à croire qu’on a dépassé les limites du réversible. J’ai par élan de naïveté, cru qu’on ne pouvait pas faire autant de mal en quatre ans. Qu’un autre gouvernement pourrait être élu, et réparer les dégâts. Mais maintenant les dégâts sont si immenses. Ça va tellement loin. Je projette les conséquences des décisions prises dans les derniers mois et j’ai peur. J’ai peur jusque dans les os.

J’ai peur pour les citoyens qui vivaient déjà avec rien, qui manquaient déjà de ressources, d’argent et d’aide. J’ai peur pour les personnes seules qui appellent chaque jour sur les lignes d’écoute pour avoir un peu d’espoir, un peu de chaleur, l’oreille collée contre un combiné froid. Les enfants dyslexiques, autistes, en retard dans leur développement, qui auraient juste besoin de l’aide de professionnels qui ne veulent que ça, les aider. Les personnes âgées trop isolées et démunies pour avoir d’autre aide que celle de leur pharmacienne au coin de la rue. Je pense aussi à cette pharmacienne qui est aussi fâchée que moi de ne pas pouvoir donner ce qu’elle a à donner.

Je ne veux pas effrayer pour rien, je ne veux pas créer de panique. Mais il me semble que l’angoisse soit de plus en plus normale quand on a conscience de ce qui se passe actuellement. Alors que l’on fait du déni, que l’on se distrait comme on peut se le payer, il est cruellement nécessaire de faire face à la réalité.

Au Québec, nous sommes les plus grands consommateurs de médicaments, particulièrement d’antidépresseurs et nous avons un taux de suicide particulièrement élevé. Nos régions ont un taux de chômage alarmant. Les demandes d’aide en santé se chiffrent sur des listes d’attentes interminables.

Quels genres de choix sommes-nous en train de faire? J’ai peur, oui j’ai peur au taux de suicide enregistré d’ici deux ans. Je m’en fais pour les infirmiers, les médecins, les pharmaciens, les organismes communautaires, les enseignants, qui devront prioriser les cas d’une rare urgence. Et je suis là, pétrifiée à me demander : quand on ne pourra plus prioriser, qui paiera en premier ?

Lili Brunet St-Pierre


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