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La grande bascule

Publié le 14 mars 2019


Il y a des moments dans la vie où on a l’impression que la réalité dépasse la fiction. Ainsi en est-il pour “Le jour de la marmotte”, un film où le personnage central est condamné à revivre indéfiniment la même journée, jusqu’à ce qu’il ait donné un sens à sa vie.

Il en va de même des difficultés du personnel du réseau de la Santé et des Services sociaux (SSS). Il ne se passe pas une semaine sans qu’un article ou une nouvelle vienne rappeler les problèmes de pénurie d’emplois de ses diverses composantes.

On évalue à mille postes à combler le manque de préposé·e·s aux bénéficiaires, au point où la ministre Blais a affirmé qu’il faudrait au moins quatre ans pour voir un changement dans le réseau. Personne ne croira que cela n’affectera pas les personnes qui reçoivent soins et services, ou le personnel restant qui doit assumer cette pénurie.

Voilà maintenant que s’ajoutent les paramédicaux d’Urgence santé, qui bossent avec 200 postes vacants, 20 % de leur effectif total, un manque qui semble vouloir s’installer pour plusieurs années. Encore là, impossible de penser que c’est sans effet sur les personnes qui en ont besoin, et sur le personnel en poste.

On connaissait déjà les heures supplémentaires des infirmières, qui ont entraîné une augmentation sensible des griefs, mais ce problème ne s’épuise pas, au contraire, et on ne cesse de rappeler les besoins et l’urgence d’y répondre.

Avec une telle situation, on peut se demander ce que va faire le gouvernement alors qu’on approche dangereusement du 1er juillet, date d’entrée en vigueur des modifications aux régimes de retraite qui ont été négociées lors du dernier front commun. Ces modifications rendront les pénalités pour départ à la retraite prématuré plus coûteuses après le 1er juillet qu’avant, pour tous les employé·e·s du secteur public.

Le gouvernement libéral connaissait très bien les risques d’une telle mesure sur nos services publics puisqu’il avait d’abord fixé au 1er juin la date de bascule pour ensuite se raviser et changer pour le 1er juillet, quand il a réalisé que des élèves se retrouveraient sans enseignant·e·s avant la fin des classes.

D’ailleurs, la pénurie de personnel se vit également en Éducation, au point où ça cause des situations aberrantes pouvant nuire à la motivation des élèves. Le ministre de l’Éducation peut bien affirmer partout que ses maternelles 4 ans vont aider l’enfant parce qu’il sera suivi par le même professionnel tout au cours de son primaire, la réalité, c’est qu’il manque aussi de professionnel·le·s. Et ce n’est pas en ajoutant des classes au réseau public que le personnel nécessaire apparaîtra par magie.

Dans un contexte de dégradation continuelle des conditions de travail, tant en SSS qu’en Éducation, où on voit une augmentation des congés d’invalidité causant à son tour une détérioration des conditions pour le personnel toujours en poste, on se retrouve avec une spirale en hausse constante qui pourrait bien en encourager plusieurs à partir à la retraite avant que les désavantages ne soient plus élevés, question de sauvegarder le peu de santé physique et mentale qui leur reste.

Une enquête menée il y a un an par l’Association des Gestionnaires des établissements de SSS (AGESSS) auprès de ses membres avait laissé voir que près de 20 % songeaient à prendre leur retraite avant la date fatidique. Il faut voir que les conditions de travail des gestionnaires intermédiaires ne sont pas beaucoup plus faciles que celles des employé·e·s qui sont sous leur direction.

Il me semble que dans ce contexte, les ministres et leur gouvernement devraient prioritairement s’empresser d’améliorer les conditions salariales et de travail de tous les personnels des réseaux publics de SSS et d’Éducation.

Au lieu de cela, la ministre McCann a ressuscité la semaine dernière un projet de loi (PL) de son prédécesseur, Gaétan Barrette, pour réduire de moitié les indemnités de départ des cadres du réseau SSS qui ont été forcés à la retraite par l’abolition leur poste lors des fusions d’établissements découlant du projet de loi (PL) 10. Le gouvernement compte récupérer ainsi 200 millions $.

Ça m’a rappelé la déclaration du président du Conseil du Trésor, Christian Dubé, il y a quelques semaines : “Compression est un mot que je n’aime pas, parce que je regarde en avant. C’est de l’argent qu’il ne faut pas dépenser, comprenez-vous ce que je dis ? Aujourd’hui, il y a 440 millions $ en 2019-2020 que je ne voudrais pas avoir dans mon budget de dépenses !”. Puis, il avait ajouté que la ministre McCann voulait 200 millions $ pour les services à domicile. On sait maintenant où elle va les trouver. Y a-t-il un volontaire pour les autres 240 millions $ restants ?

Ce gouvernement semble avoir deux poids deux mesures puisqu’il n’y a pas longtemps, ce même Christian Dubé reculait sur la promesse électorale de son parti de récupérer un milliard de $ dans l’entente avec les médecins spécialistes.

Sans compter que si le ministre Dubé veut vraiment ne pas dépenser inutilement, il n’a qu’à rendre entièrement publique notre assurance médicaments, avec des économies à la clé pouvant aller jusqu’à 3 milliards de $ par année. On pourrait lui répéter que ça, c’est de l’argent qu’il ne faut pas dépenser, comprenez- vous ce qu’on vous dit ?

Mais plus inquiétant encore, cette grande bascule des retraites, additionnée aux pénuries de personnel existantes, arrive au moment où les bouleversements climatiques s’apprêtent à nous faire tomber dessus d’autres crises qui vont augmenter les besoins de la population.

Déjà, on peut en constater les effets sur l’hiver que nous vivons, avec des précipitations et des températures en dents de scie qui ont fait doubler le nombre de chutes nécessitant l’intervention des ambulanciers.

Souvenons-nous qu’au regard des canicules, la Santé publique a identifié comme personnes plus vulnérables les bébés et les jeunes enfants, les personnes âgées, les personnes souffrant de troubles cognitifs ou de santé mentale, celles atteintes d’une maladie chronique et les personnes consommant certaines classes de médicaments. À cela, il faut ajouter certains facteurs de risque augmentant la vulnérabilité, comme les personnes vivant seules, sans réseau de soutien, celles vivant dans un état de pauvreté, celles travaillant à l’extérieur ou dans un environnement chaud, et celles pratiquant un sport ou une activité intense à l’extérieur.

Les effets de ces vulnérabilités vont d’une augmentation des admissions aux urgences jusqu’à l’augmentation du nombre de décès. C’est ce qui nous attend dans ce qui vient.

C’est pourquoi 42 organismes et regroupements citoyens ont uni leurs voix la semaine dernière pour demander que le budget annoncé pour le 21 mars soit celui de l’urgence climatique.

Ce gouvernement doit réaligner ses radars et opérer un changement drastique dans ses orientations. Et il doit le faire maintenant.

Jacques Benoit


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