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IRIS

Chronique de l‘Institut de recherche et d'informations socio-économiques

 

Salaire minimum : rien n’empêche une hausse

Publié le 31 janvier 2019


Le gouvernement du Québec annoncera sous peu la prochaine hausse du salaire minimum. Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité, Jean Boulet, a déjà indiqué qu’il ne jugeait pas opportun d’aller de l’avant avec une augmentation substantielle. Principalement, le ministre évoque l’expérience ontarienne pour justifier sa position : la hausse à 14 $ de l’heure l’an dernier aurait été si néfaste pour l’économie de nos voisins qu’il serait plus que téméraire d’aller dans la même direction.

Pourtant, comme l’indique la dernière étude de l’IRIS sur ce sujet, l’analyse des dynamiques du marché du travail ontarien ne laisse pas entrevoir une telle catastrophe. Voyons ce qu’il en est.

Heures travaillées, emplois et fréquentation scolaire

Lorsque survient une hausse du salaire minimum, les personnes les plus à risque sont les jeunes travailleurs et travailleuses (15-24 ans) ainsi que les employé·e·s de certains secteurs : commerce de détail, hôtellerie et restauration. Une croissance rapide de la rémunération de ces salarié·e·s, dont plusieurs sont au salaire minimum, peut mettre en danger leur emploi. C’est du moins ce que plaident ceux qui militent contre une hausse substantielle du salaire minimum. Or, contrairement à ce que le ministre Boulet laisse entendre, ce risque potentiel ne s’est pas matérialisé.

Pour les travailleurs et les travailleuses ontariennes âgées entre 15 et 24 ans, nous observons entre 2017 et 2018 une croissance de 1,5 % de leur moyenne d’heures travaillées par semaine et de 0,6 % du nombre total d’emplois occupés par ceux-ci. Il ne s’agit pas là d’un accroissement spectaculaire, mais nous sommes tout de même très loin d’une contraction.

En ce qui concerne les emplois occupés, toujours chez les 15-24 ans, une légère hausse a été remarquée. Si une baisse est survenue dans le secteur du commerce de détail, elle fut compensée par une augmentation conséquente dans le secteur de l’hébergement et de la restauration. Difficile alors de défendre la thèse de la catastrophe.

Un autre élément intéressant à prendre en compte est celui de la fréquentation scolaire. Plusieurs intervenants s’inquiètent qu’un salaire minimum trop élevé décourage certains élèves à poursuivre leur parcours scolaire (pourquoi en effet poursuivre ses études s’il est possible de trouver un emploi bien payé sur le marché du travail ?). Encore ici, l’expérience ontarienne dégonfle cette crainte. Comme on peut le voir au graphique 1, la hausse du salaire minimum n’a pas eu d’impact négatif sur la fréquentation scolaire, celle-ci était même plus forte à l’automne 2018 qu’un an auparavant. Encore ici, aucune catastrophe à l’horizon.

Graphique 1 : Taux de fréquentation scolaire en Ontario chez les 15-24 ans, en %

Source : Statistique Canada. Tableau 14-10-0021-01. Taux de chômage, taux d’activité et taux d’emploi selon le genre d’étudiant durant les mois d’étude, données mensuelles non désaisonnalisées (x 1 000). Calcul de l’auteur.

Rémunération horaire

Si les impacts négatifs sont difficiles à repérer, les retombées positives, elles, sautent aux yeux (graphique 2). Le salaire horaire moyen des 15-24 ans est passé de 14,83 $ à 16,38 $, une hausse de 10,5 %. Dans les industries à forte présence d’employé·e·s au salaire minimum, les augmentations ont été encore plus importantes que chez les 15-24 ans : 14,6 % dans le commerce de gros et de détail et 16,6 % dans les services d’hébergement et de restauration.

Graphique 2 : Rémunération horaire moyenne des salarié·e·s ontariens, selon le type d’industrie et le groupe d’âge, en $

Source : Statistique Canada. Tableau 14-10-0064-01. Salaires des employés selon l’industrie, données annuelles.

Puisqu’il est assez rare qu’une politique publique soit entièrement bonne ou mauvaise, il faut, au moment de l’analyse, voir à départager entre retombées positives et négatives. Dans le cas du salaire minimum ontarien, ce travail indique que les effets négatifs sont très faibles, voire inexistants, mais que les répercussions positives sont très nettement discernables. Ce constat rend la position du ministre Boulet difficile à défendre.

Nous sommes à quelques mois du 1er mai et de l’augmentation annuelle du salaire minimum québécois. Il serait alors opportun que le ministre priorise une politique efficace de lutte contre le phénomène des travailleuses et des travailleurs pauvres en augmentant le salaire minimum de manière substantielle. Nous sommes dans une conjoncture économique favorable à ce type d’action et il est grand temps que les bas salarié·e·s puissent eux aussi bénéficier d’un petit coup de pouce.

Par Philippe Hurteau


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