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Chronique de l‘Institut de recherche et d'informations socio-économiques

 

Rapport du GIEC : comment expliquer l’inaction de nos dirigeant·e·s face à la crise climatique ?

Publié le 30 août 2021


Le Groupe d’expert·e·s intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient de publier un rapport plus dévastateur que jamais qui nous prévient que les pires catastrophes sont à nos portes si nous n’agissons pas de toute urgence pour réduire radicalement nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Mais alors que la maison brûle, nos dirigeant·e·s continuent de jouer les pompiers pyromanes et d’alimenter le feu qu’ils et elles devraient combattre. Comment expliquer cette incapacité des décideurs à entreprendre le virage qui s’impose ?

Le capitalisme limite la démocratie

Une partie de la réponse se trouve dans le fait que nos dirigeant·e·s politiques évoluent dans un environnement socio-économique – le capitalisme – qui limite considérablement leur capacité à réaliser les changements nécessaires dans le fonctionnement de notre économie. En effet, la lutte contre les bouleversements du climat passe obligatoirement par une restructuration complète de notre manière de produire et de consommer. Elle implique notamment une remise en question profonde de l’impératif de croissance infinie et d’accumulation de profits inscrits dans l’ADN du système capitaliste.

Ce n’est pas un hasard si jusqu’à maintenant, aucun gouvernement de la planète ne s’est engagé dans cette voie. Un obstacle majeur les en empêche : sous le capitalisme, le pouvoir de prendre les grandes décisions concernant le fonctionnement de l’économie ne se trouve pas entre les mains des gouvernements. Ce pouvoir économique important est accaparé par ceux que j’appellerai ici les capitalistes, c’est-à-dire la petite minorité de grands propriétaires et dirigeant·e·s d’entreprises qui, par leurs décisions privées, déterminent ce qu’on produit, où on investit, à quel rythme, etc.

Autrement dit, ces décisions ne sont pas prises collectivement et démocratiquement en fonction d’objectifs eux-mêmes définis collectivement et démocratiquement (comme la lutte contre la crise climatique). Elles sont prises par une petite minorité de gens d’affaires et de patron·ne·s qui n’est pas élue et qui agit en fonction de ses propres objectifs et intérêts privés. Dans le système capitaliste, la démocratie s’arrête à la porte des entreprises et des banques.

Pire encore, le pouvoir économique détenu par ces capitalistes leur confère une capacité démesurée à influencer les décideurs et les décideuses politiques. En effet, lorsque des gouvernements prennent des décisions contraires aux intérêts des propriétaires de capitaux (s’ils décident par exemple d’imposer des contraintes majeures aux émissions de GES susceptibles de compromettre les profits des actionnaires), ceux-ci peuvent décider de cesser d’investir et nuire ainsi considérablement à l’économie d’un pays.

Or, même si le pouvoir d’orienter l’économie n’est pas réellement entre les mains des dirigeant·e·s politiques, la population les tient généralement pour responsables de la bonne ou de la mauvaise “santé” de l’économie. La légitimité des gouvernements dépend donc fortement des décisions économiques prises par les grandes entreprises et les institutions financières. Dans ce contexte, on peut comprendre que les gouvernements hésitent à opérer les transformations majeures qui s’imposent pour face à la crise climatique.

Le capitalisme contraint les capitalistes à accumuler… et à polluer

Le pouvoir économique et la capacité d’influence politique des détenteurs et détentrices de capitaux ne suffisent toutefois pas à expliquer qu’en réaction aux rapports alarmants du GIEC qui se succèdent, les dirigeant·e·s politiques continuent de se comporter comme l’orchestre sur le pont du Titanic. Il faut comprendre que si le champ d’action des gouvernements est limité par les contraintes que leur impose le fonctionnement du capitalisme, c’est également le cas des capitalistes eux-mêmes.

Au coeur du système capitaliste se trouve la mise en concurrence des acteurs économiques les uns avec les autres. Tout comme les travailleuses et les travailleurs contraints de se faire concurrence sur le marché du travail, les propriétaires et dirigeant·e·s d’entreprise n’échappent pas à cette compétition impitoyable. C’est la menace perpétuelle d’être remplacé·e par une entreprise concurrente plus productive, capable d’offrir des prix inférieurs ou des produits de meilleure qualité qui force les capitalistes à se lancer dans une course au profit et à l’accumulation infinis, et à exploiter aux maximum leurs employé·e·s et la nature.

En d’autres termes, les comportements toxiques et destructeurs des entreprises et autres institutions financières ne s’expliquent pas simplement par l’égoïsme, l’avidité, les intérêts personnels à courte vue et la corruption de leurs propriétaires et dirigeant·e·s. Ils sont principalement le résultat des contraintes systémiques imposées par le capitalisme, auxquelles les capitalistes n’ont pas le choix de se plier.

Pour faire face à la crise climatique qui est à nos portes, il ne suffira donc pas d’éduquer ou de convaincre nos élites politiques et économiques de la nécessité d’agir. Il est incontournable et urgent de s’attaquer à la racine du problème, c’est-à-dire au capitalisme lui-même. Neutraliser le pouvoir des capitalistes à sa source en étendant le champ d’action de la démocratie à la sphère économique n’est pas une utopie. C’est au contraire la seule voie possible vers une transition écologique indispensable à la suite du monde.

Par Anne Plourde


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