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Chronique de l‘Institut de recherche et d'informations socio-économiques

 

La bourse du carbone : une fausse bonne idée ? (1ère partie)

Publié le 16 novembre 2016


Ce texte est le premier d’une série de deux sur la bourse du carbone. Nous tenterons d’expliquer en quoi consiste-t-elle exactement et nous nous questionnerons à savoir si elle est vraiment la bonne solution pour freiner la pollution par les émissions de gaz à effet de serre. Dans ce présent billet, nous nous attarderons principalement au fonctionnement de la bourse du carbone et de son dérivé québécois, le Système de plafonnement et d’échange de droit d’émission de droit d’émission de gaz à effet de serre du Québec (SPEDE). Ce dernier est entré en vigueur le 1er janvier 2015 pour les entreprises productrices ou distributrices de carburant dont les émanations dépassent 25 000 tonnes métriques d’équivalents de Co 2 (MT CO2e).

Théoriquement, dans un système capitaliste comme le nôtre, la hausse constante du PIB mondial et l’augmentation de la population tendent à pousser les émissions de gaz à effet de serre (GES) à la hausse. Il faut donc développer des outils qui auront des effets dissuasifs chez les industries à augmenter la pollution. En principe c’est le rôle que devrait jouer la bourse du carbone. L’idée principale est d’y transiger des MT CO2e pour des montants variant selon l’offre et la demande. Le gouvernement fournit des droits d’émission à chaque entreprise en se basant sur la pollution historiquement émise par celle-ci. Ensuite, on définit un plafond aux émissions de GES permises par année pour l’ensemble des industries d’un État (usine, transport, chauffage, production d’hydrocarbures, déchets, forêt, etc.). L’ensemble des droits d’émission diminuera avec les années, ce qui à terme devrait permettre d’atteindre l’objectif de diminution d’émanations de GES. Dans l’éventualité où une entreprise décide de ne pas compenser ses émanations, l’État se voit en droit de la pénaliser financièrement.

Le SPEDE propose les cibles suivantes pour les années à venir :

Le SPEDE en bref. MDDECLCC, p. 2, calculs de l’IRIS.

Il y a donc une pression sur les industries à diminuer leurs émissions de GES au cours des années, notamment à travers l’efficacité énergétique et les nouvelles technologies.

Normalement à la fin de l’année, les compagnies ayant dépassé leurs droits d’émission devront acheter sur la bourse du carbone les droits disponibles des entreprises ne les ayant pas utilisés. L’entreprise privée a alors tout à gagner de diminuer ses émanations et vendre ses droits d’émission non utilisés sur le marché. Notons que les entreprises qui ont accumulé des droits d’émission peuvent décider de les emmagasiner à travers les années pour les transiger dans le futur.

Au Québec, le SPEDE est une alliance avec l’État de la Californie et les ventes des droits d’émission seront donc transférables d’un État à l’autre. Notons que d’autres États ont été invités à participer, mais aucun autre n’a pour le moment accepté de se joindre à l’exercice.

La limite de droits d’émission pour les deux États n’est pas encore connue, mais certaines estimations supposent que cela ressemblerait à ceci :

Sources : Gaz Métro, Stratégie d’intégration de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (SPEDE), p. 41, Le SPEDE en bref. MDDECLCC, p. 2, calculs de l’IRIS.

Pourquoi le SPEDE ne sera pas une réussite

Au sein du SPEDE, la Californie a des avantages notables sur le Québec, puisqu’en 2015, le Québec aura déjà réalisé les actions les moins coûteuses et les plus faciles à atteindre dans le domaine énergétique. Le Québec possède d’importantes réserves hydroélectriques et son panier d’énergie renouvelable représente 47 % de l’énergie utilisée alors qu’en Californie ce panier est de 24 %. Pour le moment, elle utilise principalement des centrales au gaz naturel et au charbon. Lors de la transformation des centrales au charbon pour d’autres types d’énergies moins polluantes, les industries californiennes pourront baisser de beaucoup de nombre de tonnes de MT CO2e. Le Québec pourra plus difficilement atteindre ce même type de résultats. Ainsi, une transformation du panier sera bien plus facile pour le Golden State que pour la Belle province. Ce qui aura comme effet de laisser de nombreux droits d’émission sur le marché pour les grands pollueurs à faible prix.

De plus, les objectifs entre le Québec et la Californie ne sont pas agencés : les Californiens souhaitent revenir au niveau de 1990, ce qui représente une diminution d’environ 5 % par rapport au niveau de 2010, tandis que le Québec recherche une diminution de 23 % par rapport au niveau de 2010. Bref, tant que le Québec et la Californie seront seuls dans cette entente, le Québec sera désavantagé puisque les prix seront dictés par le plus gros joueur.

Le SPEDE dans sa version actuelle ne comporte pas ou très peu d’avantages pour l’environnement et le Québec. Les divergences d’objectifs et de niveaux de difficulté entre le Québec et la Californie auront un effet de hausse de l’offre des tonnes de CO2e. Cela aura pour effet de dévaluer la valeur des tonnes de carbone de MT CO2e et à court-moyen terme il deviendra plus rentable pour une compagnie de polluer que d’acheter des droits d’émission.

Dans le prochain billet, nous montrerons pourquoi ce cas n’est pas unique au SPEDE et s’il est possible d’y remédier.

Par Bertrand Schepper


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